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Lollipop
19 septembre 2014

The wild ones

113776-stock-photo-sky-water-summer-beach-coast-jumpIl s’agissait d’un après-midi quelque part en été.

Nous étions tous dispersés à l’intérieur de la maison, ou au milieu de la verdure du jardin, ou bien près de l’eau turquoise de la piscine. J’étais pour ma part allongée sous un soleil fauve, ne faisant rien, et n’ayant d’ailleurs rien fait d’autre depuis la vieille que dormir, prendre des douches, boire de l’eau et du café, manger du muesli et des Advil, et regarder MTV.

L’un d’entre nous a lancé « on part, là, tout de suite » et l’idée a fait son chemin assez vite, réveillant chacun d’entre nous d’une torpeur écrasante. Puis, le son est monté très fort afin d’envahir chaque recoin de la maison, et lorsque des rythmes pulsatiles, comme des cœurs d’adolescents, sont diffusés sur une chaîne musicale nous retrouvons plus qu'une verticalité : une ascension. Et comme véritablement aucun nuage ne semble vouloir blanchir le ciel, nous sommes tous lancés, motivés par une certaine idée de fuite, flanqués d’une conception de l’évasion qui entraîne tout avec elle.

Nous partons précipitamment, sans autre destination précise que la possibilité d’une île cernée de plages, comptant sur l’aimantation rémanente des corps redevenus sauvages, et des peuplades endémiques des bords de mer.

Dans la voiture le soleil s’engouffre partout, faisant plisser les yeux même sous les frondaisons ombrageuses des habitations, et nous étouffons dans la moindre situation statique. Sortant de la ville nous traversons une forêt, où les silhouettes des arbres sont parfois clairsemées, parfois denses, au sein d'une clarté infiniment blanche. Le ciel s’illumine toujours de bleu, et il est impossible de penser que l’univers s’étend juste derrière, parce que tout paraît d’une finesse admirable, pouvant tenir entre le pouce et l’index ; l’air même sent la lumière.

*

Sur la plage, l’un d’entre nous a une guitare entre les mains et joue uniquement des morceaux qu’il connaît par cœur puis, l’herbe aidant, qu’il maîtrise moins. Le sable est chaud et propre, un souffle de vent régulier tempère les ardeurs, qui restent ébouriffées sous la peau, ce sont des pulsions brèves et lancinantes, des ardeurs qui crèvent la surface de l’eau, et nos corps se sentent plus libres, plus forts et plus souples, plus réceptifs. Pour apaiser cette fièvre de velour rouge, nous nous dissolvons dans une étendue bleu nuit qui s’étend au-delà de l’horizon.

Ce ciel azur est si large qu’il en est oppressant de liberté, la touffeur est aussi violente en nos corps que le vent léger de l’océan, le sable casse sous nos pas, les boissons sont glaçantes comme les morsures d'un serpent arctique ; les corps trop pleins, dénudés, débarrassés des fards et des vêtements, se déplient au soleil, explosent comme des bombes à eau, comme des fruits de givre sucrés transpercés de grêle.

Je sentais en tout cela quelques beautés nouvelles ; ce paysage, maintes fois lavé de cartes postales, traversé en famille, avec les corps des parents et du frère, qui bien qu’étant fait de tendresses étaient devenus trop intimes et gênants, la définition même de la promiscuité. Au contraire à présent, les corps attisaient le feu de l’esprit et le feu de la chair, l’un entraînant l’autre, et je vivais, là, ici, maintenant, tout de suite, à plein poumons. Et les minutes et les heures passaient, qui ne s’affadissaient pas. Et les gouttes d’eau et de sueurs qui miroitent sur la peau. Et l’odeur des crèmes qui sentent  les tropiques verts et chauds. Et les magazines où chaque phrase hurle l’adolescence, ce que je suis, ce que je voulais être, ce que je serais toujours, ce qui sera moi. Et les discussions plates qui me procurent un plaisir immense par le simple fait qu’il s’agit d’échanges de moi à eux, de moi à toi. Et les regards qui se croisent, s’évitent puis explosent l’un dans l’autre, font palpiter mes lèvres. Et la chaleur qui se déploie comme un astre chaud dans mes pensées. Et les musiques qui maintiennent tout ça en apesanteur, dans un tourbillon d’or. Au final une unique image, jusqu’à mon dernier souffle - je le jure – sera comme le soleil levant des impressionnistes, un symbole dans une ébauche, un moment de faux calme, et ce seront ces corps neufs d’adolescents, apologétiques de l’ultrapuissance des teenagers, qui jouent au beach volley sur cette plage, projetant au loin des ombres oblongues sur le sable, et suspendus à tout jamais dans les airs et l’écoulement du temps gris.

Ensuite, le soleil commence à décliner, l’un d’entre nous se met à courir dans les vagues, la plage se vide et nous restons encore, il n’y aucune limite de temps, nous pourrions rester ici des vies entières si nous le souhaitions.

Quelqu’un rencontre l’un d’entre nous et nous fumons une nouvelle herbe, ce qui achève de remettre les compteurs à zéro, redémarrant ainsi les choses dans une nouvelle dynamique plus fraîche, plus libre, plus pop.

Nous abordons des sujets profonds et déployons les discussions, fouillant dans les angles morts, décryptant, partageant, délirant, changeant d’avis, ouvrant les yeux, comprenant, ayant envie de comprendre, justifiant d’autres points de vue, alimentant sans cesse la conversation, jetant tour à tour de l’huile ou bien de l’eau sur le feu, puis des étoiles apparaissent dans la voûte céleste et l’univers s’épaissit.

Nous ne sommes pas rentrés cette nuit-là, pas avant d’avoir trop respiré, d’avoir brûlé la moindre parcelle de confusion, d’être absolument et définitivement absous de toute force de gravitation.

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