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Lollipop
29 août 2014

Langueur

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J’émerge alors que l’après-midi commence, mais je ne sais ni où je suis ni quel mois nous sommes. Je suis la première levée. Tu dors encore les bras déployés comme des ailes emmêlées dans les draps blancs.

L’atmosphère pèse sur mon corps qui est celui d'une adolescente cacochyme ; j'ai soif d'aisance et de fraîcheur.

J’ouvre en grand les portes vitrées et cela me fait du bien et du mal en même temps : c’est agréable car l’air est frais, ça l’est moins car il est piquant et car le soleil tape fort. Une chanson avec des accords de guitare dont l’intro est très longue me revient soudain en tête et le vide des vacances me donne envie de partir loin, de louer une voiture et de m’enfuir.

Je me vois alors sur cette route, sans circulation, les fenêtres grandes ouvertes, le poste radio passant ces accords de guitare, et je ne pense à rien, avec mes Tom Ford, le compteur à cent cinquante, un sac de voyage entrouvert sur le siège passager, des paysages très vastes, des horizons si immenses qu’ils donnent le vertige à l’horizontal, un joint dans la main gauche et le volant dans la main droite, une destination floue et encore beaucoup de kilomètres à parcourir, le temps devant moi.

Je mets ma main en visière devant mes yeux mais même ainsi je suis agressée par la lumière. Je retourne alors à l’intérieur et la persistance rétinienne retapisse la pièce de tâches en forme de flashs multicolores, qui créent l’étourdissement.

 

Un peu plus tard, je suis allongée sur le sofa de la véranda et le soleil me lance des aiguilles ardentes à travers le verre fumé. Un vent léger les dissipe autour de mon corps et je me sens bien, calme, quasiment en paix.

La fumée de ma cigarette s’évanouit vite dans l’air brûlant.

Tu t’es rendormi sur le transat, le poignet et la main à moitié fermée comme un bandeau d’ombre sur ton visage.

L’idée que les cours sont terminés, que le temps est fluide et andalou, que l’eau de la piscine me hurle de la rejoindre, et que je suis dans une promiscuité électrique avec toi cultive encore cette impression d’enivrement.

J’ai par ailleurs la sensation que, lorsque j’aurai terminé mon paquet de cigarettes, je serai enfin parfaitement heureuse.

 

Encore plus tard, après quelques joints et verres de Martini, j’ai l’impression que ma tête se soulève de mon corps, fait le tour de la pièce, puis se remet en place sur mon échine.

J’ai ensuite envie de faire des projets, des trucs incroyables comme partir à Los Angeles immédiatement, manger des abats crus ou encore me prostituer.

Lorsque je décide d’occuper concrètement la journée, je réalise qu'elle est déjà bien avancée. Je me lève mais mon corps semble avoir délaissé la bipédie ; je te propose de "faire quelque chose". « Quoi donc ? » demandes-tu. « Je ne sais pas... je disais ça comme ça ».

Il fait encore grand soleil mais tandis que je ne pense à rien de spécial, tout passe en une seconde entre chien et loup, et le fait de voir alors l’obscurité voiler un peu le ciel trop bleu, trop azur, trop vaste, me fait me sentir un peu mieux et je me souviens que, aux Etats-Unis, on appelle ce moment de la journée the golden hour.

 

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