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Lollipop
30 août 2014

The sinking

Underwater-photography-by-Elena-Kalis-on-flodeauJe me dis « il est déjà vingt heures sept », mais la torpeur me semble encore trop lourde, trop étouffante et le soleil encore trop omniprésent pour qu’il soit si tard.

Assez rapidement cependant, l’astre se met à décliner vers l’ouest, le ciel rosit même par endroit, annonçant – je l’espère – un orage. Malgré l’inertie, j’ai ressens un irrépressible besoin d’action, la nécessité absolue de mouvements, de propulser des ailes invisibles ; je suis la milliseconde qui précède le coup de feu, le sprinter qui surgit à l’horizontal, la chute linéaire. Et je me sens sur le point de déborder, je n’en peux plus, une sorte de néant dans les pensées me fait à la fois imploser et exploser, avec la conviction qu’un événement puissant se profile.

*

Le soleil expire une dernière fois puis passe derrière les nuages.

Des ombres apparaissent alors, essaimées dans le jardin. Puis tout passe rapidement en demi-teinte, prend de la complexité, et je me sens un peu oppressée par cette noirceur mouvante qui surgit du vide. Elle me semble comme de l’éther en suspension, diffuse, qui de diluée, d’invisible, devient peu à peu perceptible, se concentre, comme un voile sombre et dense sur les choses, rendant ainsi l’acuité des contours plus ténue, et je pourrais même presque la toucher.

*

Je me lève trop vite et ma tête part sur des montagnes russes, mais je ne me rassois pas.

J’effleure mon abdomen déjà bronzé qui se contracte. Je retire ensuite mes sandales puis marche à grands pas dans l’herbe sèche, jusqu’au rebord brûlant de la piscine. Là, apparait soudain dans mon imagination une vision de moi qui glisse, chute et s’écrase le front sur le carrelage de lave sèche. Je visualise mon cerveau s’épandre dans l’eau, mon corps s’enfoncer dans le bassin tandis qu’une crème laiteuse flotte à la surface, du liquide lavande colore le tout ; mais cette pensée ne fait que traverser mon esprit.

J’avise l’endroit le plus profond de la piscine, là où je distingue moins bien les points noirs qui sont des insectes morts sur le liner azur puis, dans une diagonale dangereuse, je tends tous mes muscles, plonge et transperce un voile liquide.

*

Sous la surface, tout change.

C’est une autre moi, plus fluide, plus vive, qui nage, déplace la masse liquide, qui sort la tête hors de l’eau fraîche, inspire, expire et se hâte ensuite de retrouver les abysses minuscules. Je me laisse alors couler tout au fond du bassin, les bras en croix, parfaitement immobile, regardant le ciel se voiler sous mon masque liquide. Je refais ça trois fois, dix fois, remontant à la surface, inspirant à pleins poumons, puis replongeant immédiatement et me laissant tomber comme une masse, doucement, jusqu’au fond. Je fais plusieurs longueurs sous l’eau. La tête me tourne mais c’est d’autant meilleur. Mes muscles sont d'épais élastiques à l'énergie infinie. Des fourmis creusent au fond de mes entrailles des rigoles qui se dilatent, et j’ai bien peur que le point de rupture soit atteint, que je bascule, que tout s’ouvre et que ma tête se mette à trop tourner, et c’est après tout ce qui est en train de se produire ; je suis Andromède sous les flots, les marins d’Ulysse gisant dans les abysses : ce que je vis est une extase mythologique.

*

Je ferme les yeux et les rouvre en grand, puis fait à nouveau percuter mes paupières : le ciel, au-delà, est un cobalt couleur de vertige et d’acier.

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