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Lollipop
20 juin 2014

Syzygie

car_at_night

L’écran de télévision, petit alors, diffuse cette série américaine, dans ma chambre ; la lumière diaphane et ses ombres sur les murs changent au grès des images.

L’histoire se passe dans une petite ville des Etats-Unis ; le générique m'y plonge, mais je m’y trouve en réalité (actually). A l’inverse de ma préadolescence, je suis maintenant dans le lieu où pourrait se dérouler cette histoire, et ce conditionnel signifie tout.

Nous sommes à cette heure du jour où l'atmosphère change de couleur (pas seulement de nuance) toutes les vingt minutes, avant d’être définitivement envahi de zinzolin, ce violet qui n'existe que dans le ciel ;  les persiennes projettent des tâches noires et longues, comme les ombres d’extra-terrestres à l’intérieur de la maison : elle devient à son tour un élément de la nuit, tenue dans la paume, les doigts souples. A l’écran des éléments sont nécessaires qui sont les pages de publicités nombreuses et tonitruantes, qui entrecoupent les épisodes, qui marquent des pauses, des inspirations. Ils font sentir d’autant plus que les Etats-Unis d’Amérique ne sont pas seulement dans le poste, ils sont tout autour, mêlés de la poussière jaune du désert et de la touffeur de l’été.

Je peux prendre la route, qui définit ce pays, et me rendre dans une de ces villes larges et hautes, Léviathans immobiles, dormants d’un œil. Je peux prendre la route et simplement rouler, qu’importe la destination, le fait même de rouler fait de moi un exégète, qui décrypte les voix au chewing-gum acide de la radio. Je peux aller à Sacramento. Je peux aller au Mexique. Je peux aller à Réno, à Beverly Hills, à Denver, à Chicago, porter un de ces T-Shirt au cœur rouge de New York, boire de la Sangria.

Je n’ai pas véritablement fait de rencontre encore, mais je lis énormément de romans – sauf des nouveautés, car seuls les livres qui subsistent sont ceux qui ont cristallisé l’essence et ne racontent pas. Il n’y a pas d’histoire dans « Less than zero », dans « The catcher in the Rye », dans « On the road », dans « Play it at it lays », il n’y a que des situations. Seuls les livres et les photographies qui ont survécu (à l’impact des livres et des photos suivantes) recèlent et dévoilent cela. Lorsque je conduis, il me vient souvent l’envie de tout réduire en un plissement de tôle dont je ferais partie, de rouler très très très vite en tous cas, comme un filet de vent. Je peux me rendre à l'angle de la rue où se déroule ce film d'Hitschcok, avec ce portique blanc, des plantes grasses autour, cette descente, et la voiture qui se gare entre l'horizontale et la verticale.

Je peux conduire une décapotable, une Chevrolet, un camion Ford, une Lamborghini pour monter les rues tortueuses de San Francisco, tous phares allumés en pleine journée, tous phares éteints la nuit (éclairer l’habitacle suffit). Je peux aller à Minneapolis aussi, même si je ne crois pas avoir regardé de séries télés qui s’y déroulent. Je peux acheter une arme, n’importe laquelle, et tirer sur les panneaux jaunes. Je peux foncer sur une tornade. Je peux me rendre dans un motel et y vivre toutes les expériences, voir les lumières bleues et rouges des voiture de police illuminer la scène de crime. Je peux porter une robe pastel, de grandes lunettes de soleil, une peau blanche en plein été.

Sur Internet, j’ai créé le profil d’une fille plus laide que moi et que j’ai prénommé Anna ; je tiens des conversations pornographiques avec un étudiant en fac de sport qui n’a absolument aucun grain de beauté sur sa peau (chose rare qu’il ne m’avait jamais été donnée d’observer auparavant) et dont les yeux verts d’eau sont le miroir de ses existences passées, dont il n’a pas la notion, dont il n’est que l’écume, qui jaillit de ses yeux, de ses lèvres, de ses muscles, de ses doigts, de la façon dont il décide de porter tel débardeur blanc immaculé. Il aime aller pêcher des poissons chats dans un étang, près de l’université. Il joue des matchs le dimanche. J’ai promis d’aller le voir plus tard, lorsque tu seras revenu et avide d'une proie.

Nous prendrons alors la voiture, je replierai mes jambes sur le siège passager et nous irons à sa rencontre afin qu’il reste à jamais ce boy.

I tell you what I do, I try to live in the now, est une phrase issue d’un des livres, cités plus haut.

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