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Lollipop
28 juin 2014

L'aube

fog

La première chose qui me revient est la couleur et le toucher du velours qui recouvre les sièges de la grande voiture, un bleu vert tendre, qui aujourd’hui est démodé. Devant moi une pochette en faux cuir dans laquelle je range mon magazine pour enfant, ainsi que ma cassette et mon baladeur, aux écouteurs ronds trop grands pour mes oreilles. Je suis encore à un âge où des pans de choses qui sont dans la mémoire universelle me restent cachés. Il y a ainsi beaucoup de chansons que j'ignore, de musiques qui sont une part de tout le monde, que chacun a déjà entendu, mais pas moi, pas encore ; il me reste encore à les découvrir et leurs émotions tout avec.

Je ne me souviens jamais des conversations de mes parents de cette époque, pour le motif probable qu’elles avaient pour centre leur travail conjoint, source à la fois de leur union mais aussi de leurs désaccords, qui achèvera de les distendre quelques années plus tard.

Nous arrivons le soir, la nuit est tombée depuis longtemps (nous sommes en hiver) ; un cèdre immense nous accueille, faisant vingt fois ma taille ; sous les frondaisons du géant, hautes et grandes comme la voûte d’un palais, et sous les éclairages jaunes, une demeure se dresse aux fenêtres sombres. J’y repenserai souvent par la suite lorsqu’au détour des lignes d’un roman je m’imaginerai un lieu semblable (cela se produira souvent, imprimant le souvenir).

Ce qui est formidable ce soir-là c’est que, du fait de notre destination admirable du lendemain (un parc d'attraction), je peux à satiété profiter des moments de cette étape. Roulé sous les couvertures avec mon frère, je regarde une série télévisé que je n'ai jamais vraiment vu auparavant (Les nouvelles aventures de Superman) mais là, à ces instants, je n’en perds pas une miette, je mange l'histoire du début à la fin. Ensuite je n'ai pas peur d'aller m'endormir, profitant simplement de l'amertume des longues minutes normalement grises, là bleues nuit, qui m’emportent vers le sommeil.

Le réveil fut frais, mais non épuisant (je souffrais pourtant déjà à cette époque de cauchemars où se déploient des marécages). Je sais que nous avons déjeuné mais j’ai oublié de quoi et le lieu précis ; de la demeure même il ne me reste en souvenir que la façade blanche, d’autant que nous avons dormis, il me semble, dans une maisonnette du parc aux grandes baies vitrées.

Un souvenir en revanche me poigne : celui du parc jouxtant le château, dans lequel nous avons marché un peu après le repas primaire. Des fumerolles blanches et diaphanes flottent à ma hauteur, s'épaississant vers le ciel ; elles se meuvent, tournent autour des haies de buis. L’air est fait d'une matière impliquant un rafraîchissement intense, sorte de rosée mise en apesanteur. Au fond surtout une statue, et de longs et fins nuages qui l’auréolent ; il y nait l’idée que ce parc vit et répond du domaine féérique, de ces jardins de vieux livres, romantiques, demeures des fées et de l'ombre d'un lapin blanc, que je crois deviner un instant dans le brouillard. Mais il est déjà temps de partir, je ne me souviendrais pourtant que de cela. Dans la voiture, réécoutant la même chanson, le parc du château s'éloigne rapidement, comme au ralenti.

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