Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lollipop
27 juillet 2014

The glamorous

flight-attendant_5

J’attendais dans le lounge et par les vitres on ne pouvait nulle part deviner la foule cosmopolite qui envahissait à toute heure l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle. Les panneaux affichaient Tunis, Amsterdam, Shangaï, Sao Paulo, encadrés de publicités qui rendaient l’exploration du monde obligatoire, exhortait à une vie nomade, luxueuse et exceptionnelle. Assise dans un fauteuil de vrai cuir, j’observais le ballet des avions sur la piste. L’hôtesse m’avait servi un soda glacé avec une telle avenance qu’à ce niveau de luxe je soupçonnais les employés d’avoir été engagés pour leur propension à vouloir satisfaire sincèrement autrui ; être steward impliquait-il en réalité les mêmes compétences que our une ordination ? Je croisais les jambes, regardait à nouveau du coin de l’œil l’homme assis à ma droite ; il portait un look dandy, lin naturel, souliers beiges en toile, gapette, ainsi que de vaste lunettes dégradées gris/beige. Il s’agissait, j’en étais à présent certaine, d’une des vingt stars américaines les plus connues de la planète. Il plia son journal alors que je faisais de même avec mes jambes, il fit ce geste comme le faisait mon grand-père, rabattant précisément une moitié du journal sur la seconde, d’un claquement. Il me regarda, ne me sourit pas, baissa les yeux puis me sourit d’un air pincé : je le dérangeais, « ici on ne va pas voir les gens connus, on ne leur parle pas, on ne les dévisage pas, leur luxe est d'être sans relief ».

Un courant d’air passa lorsqu’une asiatique à la démarche franche et qui portait une robe bleu électrique entra, le mouvement d’atmosphère me fit sentir une chose extrêmement nouvelle : le parfum de la célébrité, qui est autre chose que son observation réelle (déjà édifiante), et qui est un élément que seuls ceux qui ont côtoyé la chair luxueuse peuvent connaître ; il y avait là quelque chose d’infiniment intime dans cette connaissance, dans cette senteur d’épices complexes qui se mêlait forcément à la sienne.

Par un hasard que je décidais heureux, je me retrouvais assise à bord sur la même rangée que lui, séparée par l’allée centrale et un siège vide (qu’il avait probablement demandé à avoir). Il avait placé son couvre-chef sur son visage pour dormir ou éviter d’être reconnu, car même au sein du personnel je voyais dans les regards la difficulté de certaines à afficher une indifférence feinte.

Par le hublot, je ne voyais rien que des nuages gros comme des villes qui étaient meus de mouvements qui ne paraissaient pas exempts de vie, et je pensais à des bancs de poissons faits de ouate qui fuiraient un prédateur que je ne pouvais pas voir mais dont je ressentais la présence.

Plus tard il fit nuit, et au-dehors furent les ténèbres. Un bourdonnement léger occupait le champ sonore comme un bruit blanc. L’habitacle était faiblement éclairé par des lumières très douces ; à côté la star dormait complètement, la bouche un peu ouverte, sa gapette était tombée sur le siège contigu, je pourrais la lui remettre, même faire ce que je veux, prendre des photos ; j’appelais une hôtesse, désirait une bouteille d’eau très fraîche. Elle énuméra les marques comme si rien ne pouvait lui faire plus plaisir, et je choisis au hasard une marque qui m'était inconnue (donc sûrement hors de prix). Je pris ensuite deux somnifères mais ne parvins pas à dormir ; je ne regrettais néanmoins pas de les avoir pris car les montées hypnotiques me firent rapidement flotter dans une longue transe empathique et fascinante.

Je dû finalement m’assoupir, et je fus réveillée par l’hôtesse qui achevait de remplir un grand verre en cristal d’un liquide rouge et épais, elle me sourit, essuiya un peu de liquide sur le bord du verre, s’en alla ; la célébrité me regardait, me dévisageait, me sourit à son tour.

Nous fumes ensuite au milieu de l’Atlantique, au point de non-retour, je m'efforçais de lire un roman en américain, une de ces histoires policières ou l’héroïne possède un appartement réconfortant avec des éclairages chauds et un canapé moelleux surmonté d’un plaid ; je relus plusieurs fois la même page, qui commençais par « as she was crossing the street… ». J’essayais ensuite de regarder la télévision de la compagnie sur mon écran mais ne parvins pas à me décider sur le film, je tombais sur un long-métrage assez ancien dans lequel jouait mon voisin (la compagnie l'avait-elle ajouter pour lui faire plaisir ? ou bien avait-elle omis de le retirer afin, justement, de ne pas le froisser ?), finalement je choisis un vieux film d’Hitchcock qui se déroulait notamment dans les rues de Los Angeles et dont les couleurs étaient à la fois surannées et surexposées.

Des heures plus tard l’avion subit une zone de turbulences et des bulles de savon éclatèrent dans mon estomac, nous commençâmes ensuite à descendre vers Seattle, la ville se déployait progressivement dans les ténèbres, les disloquaient, des ombres se dressèrent dans les ombres, créant un univers nouveau, irisé de constellations qui délimitaient un Léviathan à peine assoupi.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Lollipop
Archives
Publicité