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Lollipop
31 juillet 2014

Le dragon céladon

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Cette fois-ci le titre allait de soi : il avait les yeux verts et un tatouage de dragon qu’il avait fait effacer sur le bras droit un mois seulement après les injections noires  - je n’en ai jamais su la signification, la raison, le désir - mais la cicatrisation ne s’était pas faite correctement, créant sur sa peau une boursouflure qui attiraient immanquablement mon regard ; il écoutait Muse, tout ce qu’ils avaient fait, et la station de radio issue de la capitale et qui restait pointue ; il avait peint sur les murs blancs de son appartement des triangles rouges vif plus grands que lui et qui ne le gênaient pas pour la caution ; il m’a laissé trois classeurs gris et je n’en ai gardé qu’un comme ultime souvenir ; le matin il partait travailler avant que je ne me lève, je mangeais alors des gâteaux chocolatés trempés dans un café que je n’aimais pas et dans lequel tout se délitait, me laissant ainsi un arrière-goût rance et sucré entre les dents ; dans sa chambre il y avait une de ces grande fenêtre à battants que l’on trouve dans les logements remis à neuf et dont on a gardé les extérieurs anciens, elle donnait sur un jardin tout en longueur qui s’étirait jusque sous les nuages bas qui m'oppressaient ; j’ai avec lui comme premier souvenir un moment assez heureux dans cette ville, alors que nous sommes tous les deux rentrés de nos journées de travail ; j’avais envie d’écrire sur lui depuis longtemps mais je savais que cela mettrait mon âme dans une apnée longue comme des mots grecs et qui devaient tous et entièrement être écrits ; je savais qu’après il n’y aurait jamais aucun retour possible vers Anthony ; un soir nous nous sommes déchirés et comme dans les fausses histoires, il est venu taper à la porte, il insista pour entrer en réveillant les diables tout autour ; au cinéma il a été vindicatif, de cette méchanceté provocatrice qui le caractérisait mais je l’ai cinglé, et il m’en a voulu jusqu’au lendemain ; il a bien vu sur mon calendrier les lettres P entourées à intervalles réguliers et je lui dis comme un saut dans le vide que je voyais quelqu’un qui m’aidait à tenir le coup, il n’a pas répondu et je n’ai jamais su son sentiment à ce propos ; il était tumultueux, il y avait sous ses lèvres et dans ses pupilles une mer qui grondait ; j’appris qu’il avait fait un plan à trois qui s’était mal passé, il avait eu quelques histoires ; il était évasif ; jamais une bibliothèque ne m’en apprit moins sur quelqu’un, tous les livres semblaient avoir été offerts et neufs, rangés dans un ordre purement esthétique, alors que j’affectionnais les cascades d’ouvrages cornés ouverts à même les lattes de plancher ; un jour, mon regard insista un peu trop sur son removed tattoo et d’une phrase supersonique il me dit d’arrêter ça immédiatement, stoppant son mouvement de main qui nouait alors une serviette autour de sa taille ; il m’apprit que les prostituées n’étaient pas loin de chez moi, sur ce parking ; il fumait des Malboro Rouge et buvait de la Vodka, savait faire des ronds de fumée sans loucher et des shakers ; je pense avec une violence inouïe à lui lorsque j’entends Undisclosed desires, je suis sur ce canapé de cuir noir, entre les triangles rouges, cherchant de la main les pierres translucides dans l’aquarium vide, je vois la rue et les maison en face, je respire cet air de vair, j’ai encore mille vies devant moi et j’en pioche une au hasard, il y a ces paroles « I want to reconcile the violence in your heart » qui sont les siennes dans mon idée, qui me situe si bien dans ces mots ; j’avais à cette période ce besoin ultravirulent d’espoir ; il m’a provoqué comme un enfant, en a profité pour me voler un baiser d’épines ;  il m’invita à une soirée et me présenta à ses amis, j’eu l’impression de faire bonne figure mais rentrais épuisé ; nous allâmes à la piscine un dimanche, mais nous nous y sommes éloignés, dans les vestiaires nous avons croisé ce garçon avec laquelle il a longuement discuté, alors que je me changeais ; une de ses amies a dit une chose que je n’ai pas comprise, elle l’a répétée mais je n’ai toujours pas saisi, alors je n’ai pas répondu, il y a eu moquerie, j’ai hurlé sous l’eau ; il a insisté pour m’avoir alors que je ne souhaitais que fréquenter un être humain dans cette ville gelée et que j’étais encore un peu raisonnable ; j’ai écrit un texte similaire il y a très longtemps qui portait le nom d’une chanson de Muse et je deviens de plus en plus certain aujourd’hui de la prescience de l’écriture ; il avait une mâchoire carrée comme un robot sur un visage d’adolescent (on me dit que cela le rendait du coup plus intéressant à soumettre) ; j’ai commencé à envisager une sorte de survie là-bas, j’ai commencé à me dire que c’était supportable, avec son énergie, avec sa présence, avec sa rage ; j’ai cru à une main tendue comme un blouson posée sur le dos, les manches non mises, mais je n’étais qu’un étranger de glaise qui pouvait craqueler ; il avait récupéré bon nombre de ses meubles dans une association caritative, la table était branlante mais c’était joli et c’était  masculin ; Anthony c’était un poing jeté dans l’air, vers n’importe quel organe ; il donnait toute la journée des appels pour demander les taxes dues à l’implantation et la taille des panneaux publicitaires, il y avait une science administrative de cela ; il insultait, criait, crachait au volant de sa voiture qui freinait sec aux feux rouges ; il mettait un parfum doré qui n’irait vraiment à aucun autre ; j’ai regardé la Môme avec lui et d’autres films qui prenaient la poussière dans ma liste rémanente ; le premier soir où nous nous sommes rencontrés il y eu une tempête qui bouscula toutes les tables et les chaises installées en terrasse et nous dûmes nous réfugier à l’intérieur du café, moi avec les vibrations de cet orage comme un glaçon d'alcool sur ma peau, lui dans l’impétuosité de sa mâchoire crispée, de ses yeux qui savent fermement ce qu’ils veulent à un instant T (ce qui m’attirait forcément) ; plus loin il y avait la cathédrale des rois et les gargouilles qui déversaient une pluie, crachaient des éclairs jubilatoires comme un déluge furieux.

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