Coton

Tout est blanc.

Il n’y a pas de destination.

La seule chose que fait cet avion est simple : il vole.

Je ne ressens pas la vitesse.

Il n’y a aucun obstacle.

Il ne se passe rien au dehors de ma cabine. Tout ce que j’ai besoin de savoir est que je vole.

A ma droite et à ma gauche, des hublots immenses aux vitres épaisses comme des murs occupent presque tout l’espace. Les horizons de nuages et de ciel bleu lactescent se répondent comme un miroir à travers eux ; toujours identiques mais sans cesse changeants, il n’y a jamais de monotonie. Au contraire : chaque instant est un commencement.

L’avion flotte sur des nuages qui forment un océan de lait à la texture légère et duveteuse.

Les rayons de soleil sont des lances de cuivre qui rebondissent sur les ailes métalliques de l’avion, rendant la luminosité presque tangible, comme des gouttes de lumières en suspension dans l’air.

L’atmosphère est vivifiante et douce, et c’est un embrun qui ordonne mon esprit, le rend aéré, paisible, débarrassé de tout. Des particules de vie pure flottent ici et là.

Je suis à l’intérieur et à l’extérieur en même temps, omnipotente et omnisciente, partout dans un cocon aux perspectives sans fin.

Les odeurs sont neutres mais délicates et douces, à la fois neuves et familières, comme celles d’un végétal pourvu d’une âme et qui l’exhalerait.

Au centre de l’habitacle, il n’y a qu’un immense lit circulaire d’un blanc immaculé.

Je suis allongée dessus, emmitouflée dans un courant de chaleur qui détend la moindre contraction des muscles de mon corps, les liquéfie, comme un bain chaud à température exacte.

Au dessus de moi, le plafond est également transparent et je distingue quelques étoiles dans un indigo profond et épais.

J’ai le vertige à l’envers mais je n’ai pas peur.

Je ne pense pas.

Je suis parfaitement bien, là où je dois être.

Ici et maintenant.

Le temps n’existe plus.

Alors je ferme les yeux, et c’est à ce moment que l’avion pénètre dans le soleil...