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Lollipop
15 avril 2010

ShOOt mE tO dEAth 'tiLL I'm AlivE

pt18892Du poison dans mes veines : l’idée me plaisait tant que je ne faisais qu’y penser. Que mon esprit la matérialisait. Que j’imaginais du rouge et du noir entremêlés en moi. Du liquide sombre et luisant prenait possession de mon corps ; et celui-ci s’y laissait choir sans vraiment résister.  Il n’y avait guère de lutte possible : il fallait sombrer.

J’étais assise, sur la terrasse éclairée par un soleil vermillon, les jambes nues fraichies par l’air d’avril ; une tasse de thé achevait de se refroidir complètement sur une table basse mais je ne songeais pas à la boire. Je restais le regard nageant sur les toits de la ville, scrutant la cathédrale qui surgissait de son ventre comme un organe éclaté. Il me semble que j’attendais quelque chose. Que l’univers se calme un peu. Que tout s’arrête. « Oui, oui, je comprends, non ne vous inquiétez pas, non,  non, ça ira, ce sera très bien » avais-je dit à la Femme et à mon père. Je ne pouvais pas les déranger, intervenir dans leur intimité, chez eux, entre eux. Je serai mieux dans l’appartement qu’elle avait déserté pour vivre chez lui, quelque temps, « pour voir », pour ne pas se délier. Mais ici je n’étais pas chez moi, au milieu des œuvres postmodernes, des toiles obsédantes, des vêtements capiteux, des eaux de toilettes d’ambre et d’or, des vieux « Vogue », des vieux « Elle », des sacs de voyage griffés portant encore l’étiquette de destinations effrayantes, des grands livres pleins de grandes photos qui étaient des mondes… Je voyais la Femme comme une dévoreuse : elle dévorait la viande au restaurant, elle dévorait le sexe de mon père, elle dévorait son appartement, son espace, sa vie, ses habitudes, elle dévorait ma dignité, elle dévorait ma silhouette, elle dévorait les gens, elle dévorait tout. La Femme était l’ogre mais il n’y avait déjà plus rien à dévorer en moi, ses yeux avides ne voulaient pas de mon sang noir.

Je suis restée là, à attendre. Le ciel s’est teinté de soir, les rues et la basilique se sont illuminées de feu, le vent est tombé. J’ai placé le trip sous ma langue et suis restée ainsi des heures, jusqu’à ce que temps devienne économe. Je le figurais comme une route qui arrivait dans une impasse, qui aurait envie de s’arrêter un peu, réfléchir à la nouvelle voie, envisager de nouvelles options. En douceur. Etre au calme. Glisser. Me rassembler. Ramener mes pieds sous mon corps. M’allonger par terre et regarder les étoiles, tomber sans fin dans l’univers. Avoir le vertige à l’envers. Regarder vers la cathédrale, qui est comme un refuge, scruter son ombre. Faire mien cet appartement, le transformer en chrysalide chaude. Oublier. Devenir le vide. Se laisser dévorer jusqu’à la dernière miette. S’arracher le cœur, les émotions qu’il y a à l’intérieur, corrodées, noires et acides. Les jeter au loin. Les récupérer. Les rejeter encore plus loin, dans le ciel outremer. Ne plus exister. Se désincarner. Puis, lorsque l’aube déploie le mauve tout autour, s’appartenir à nouveau. A peine. Un petit peu.

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